sexta-feira, setembro 02, 2005

Baudelaire que nos fala

L'Invitation au Voyage

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble!

Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
Des ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tous n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
A l’âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent au bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière,

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Charles Baudelaire, L'Invitation au Voyage